Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

les dernières paroles d’une mère affligée sans éprouver une émotion profonde.

Personne, à mon avis, n’a jamais plus mal écrit une lettre familière que Mme  Roland : vous en allez juger par un échantillon de sa correspondance, dont on avait attaché les originaux à la suite du manuscrit de ses mémoires.

« Gosse me dit que l’ami que je lui ai connu est du parti aristocrate, et qu’il n’a pas voulu aller le voir depuis la perte de sa liberté : j’aurais parié cela. C’est un M. Coladon, que j’appelais Céladon, dont la tournure mielleuse sent l’esclave d’une lieue, et dont j’aurais donné cent pour un boîteux de la trempe de Gosse. Vertu ! liberté ! foin du reste et de tous les trônes du Monde ! je le dirai à la barbe des souverains. »

Mme  Roland nous avait prévenu qu’elle aimait à faire justice au moyen de ces vérités fortes qu’on jette au milieu des gens qu’elles offensent, et qu’elle énonçait les plus terribles sans s’émouvoir, en face des intéressés, et sans s’alarmer jamais de l’effet qu’elles produiraient sur eux !

Une de ses prétentions les plus manifestes, c’est l’observation des convenances et du beau langage ; toutefois, et dans tous ses écrits, on trouve une foule d’expressions du plus mauvais goût, avec des locutions qui sont tout à la fois recherchées et triviales, telles qu’exister au lieu de vivre, me visiter et m’entretenir, pour me faire une visite et me parler. Elle écrit que plusieurs personnes du sexe ont fait sa connaissance ; elle parle ailleurs de la vie cochone de la