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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/38

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SOUVENIRS

gorge, et Condorcet avala philosophiquement un breuvage empoisonné dont il mourut.

Une chose dont je n’ai pas retrouvé la trace dans les mémoires de Mme Roland, et dont elle m’avait pourtant semblée convaincue, c’est que les jacobins de la Montagne avaient toujours été soudoyés et conduits par les intrigues de la Cour. — En effet, lui répondis-je, et puisque les aristocrates de 89 ont brûlé leurs châteaux pour en accuser le peuple français, ce doit être la cour et les courtisans qui doivent acheter au poids de l’or l’incarcération, la condamnation, la peine de mort et la confiscation, par un calcul perfide et pour décrier méchamment le régime populaire, en déshonorant le gouvernement républicain ! C’était, du reste, une accusation commune aux girondins et aux montagnards ; mais les premiers y croyaient véritablement : ce qui m’a toujours fait penser que l’esprit de la Gironde était le type de la niaiserie, de l’aveuglement et de l’ineptie révolutionnaires.

Cette faction des girondins était composée d’utopistes et de songes ceux s’il en fut jamais. Je tiens de l’Abbé Emmery, qui se trouvait prisonnier à la Conciergerie en même temps que lesdits girondins, que la veille de leur supplice, après souper, ils passèrent tout le reste de la nuit à discuter pédantesquement sur l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme, chacun à tour de rôle et pour ou contre. On finit par aller aux opinions, et le matérialisme fut décrété à la majorité d’une voix. Ce digne et docte M. Emmery, qui est présentement supérieur du séminaire de St-Sulpice, avait eu le bonheur de convertir dans sa prison le conventionnel Fauchet,