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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/67

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

(car nous étions réunies avec plusieurs Dames de la Reine, de Madame Élisabeth et de Mme de Lamballe). Ces lumières répétées dans les glaces faisaient un tel contraste avec la clarté du jour, que les brigands en furent confondus.

« Plusieurs des Dames qui étaient dans la chambre se trouvèrent mal. Mme de Ginestoux se jeta à genoux et avait tellement perdu la tête, qu’elle balbutiait des mots de pardon. Nous allâmes à elle, la fîmes taire, et pendant que je la rassurais, cette bonne Mme de Tarente priait un Marseillais de prendre sous sa protection cette Dame à cause de la faiblesse de sa tête. Cet homme y consentit et la tira aussitôt de la chambre ; puis tout à coup revenant à celle qui lui avait parlé pour une autre, et frappé d’une telle générosité dans cette circonstance, il dit à Mme de Tarente : Je sauverai cette Dame et vous aussi et votre petite compagne aussi. En effet, il remit Mme de Ginestoux entre les mains d’un de ses camarades ; puis il prit Mme de Tarente et moi chacune sous un bras, et nous tira hors de l’appartement.

« En sortant du salon, il nous fallut passer sur le corps d’un valet de pied de la Reine, et d’un de ses valets de chambre, qui tous deux fidèles à leur poste, et n’ayant pas voulu abandonner l’appartement de leur maîtresse, en avaient été les victime. Cette vue me serra le cœur : la Psse de Tarente et moi nous nous regardâmes, pensant que peut-être bientôt nous aurions le même sort. Enfin, après beaucoup de peine, cet homme qui nous donnait le bras parvint à nous faire sortir du