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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

« Pendant le chemin, je remarquai avec étonnement combien ces hommes qui étaient du dedans et autour du fiacre, étaient animés du désir de me sauver ; ils pressaient sans cesse le cocher ; ils avaient l’air de craindre les passans ; enfin chacun d’eux paraissait être personnellement intéressé à ma conservation. Leur zèle pensa même coûter la vie à un très bon homme chez lequel votre frère était caché. Pauline vous contera cette histoire, elle est vraiment touchante.

« J’arrivai enfin dans la maison de notre excellente parente Mme de Lède. J’y trouvai votre sœur, et après avoir donné quelques momens au bonheur de la retrouver, je pensai à m’acquitter de ma reconnaissance envers les gens qui avaient aidé à me sauver ; ils paraissaient tous dans la misère, et je ne pensais pas qu’ils pourraient refuser de l’argent ; mais lorsque je voulus leur en donner, aucun d’eux n’en voulut recevoir ; ils dirent qu’ils n’avaient voulu me sauver que parce qu’on leur avait bien prouvé que j’étais innocente ; qu’ils se trouvaient bien heureux d’avoir réussi, et qu’ils ne voulaient pas être payés pour avoir été justes. Enfin, quoique j’aie pu leur dire, il me fut impossible de leur rien faire accepter, et tout ce que je pus obtenir d’eux, fut que chacun me donnât son nom et son adresse ; j’espère qu’un jour enfin, je trouverai le moyen de les récompenser de ce qu’ils ont si généreusement fait pour moi.

« Adieu, ma Joséphine, nous avons eu, hier au soir, le plaisir de voir votre frère ; il est caché