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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

et s’était arrêté sous les fenêtres de la Reine, que cette épouvantable foule appelait à grands cris pour lui faire voir les restes mutités de sa parente et son amie. N’ayant pu réussir à la faire paraître, deux de ces bourreaux furent introduits dans la chambre de S. M. par le municipal à qui l’on avait confié la garde de sa porte : — Nous voulions te montrer la tête de ta Lamballe, lui dirent-ils avec des éclats de rire…, et la Reine en eut un évanouissement qui dura deux heures et se reproduisit plusieurs fois pendant le reste de la nuit.

Pour vous reprendre l’histoire de Mme de Tarente à l’endroit où elle avait été séparée de Mlle de Tourzel, je vous dirai qu’on l’avait conduite à l’Abbaye St. Germain, où l’on égorgeait les prisonniers tout comme à la Force et dans l’église des Carmes. Elle était restée lu dernière, on ne sait pourquoi. Après avoir attendu qu’on vint l’appeler, pendant quarante heures et sans fermer l’œil, au milieu des cris douloureux et des hurlemens féroces, on vint l’arracher du cachot où elle était plus morte que vive, on l’entraîna devant les septembriseurs, et comme elle était Dame du Palais de la Reine, on entreprit de lui faire signer une déclaration qui aurait inculpé cette princesse : — Vous connaissez très bien toutes les intrigues de la ci-devant reine avec les émigrés et les étrangers ! — Je ne connais d’elle que ses hautes vertus et sa parfaite bonté ! s’écria-t-elle avec un courage héroïque ! Si vous la connaissiez comme je la connais, vous ne pourriez vous empêcher de l’aimer ! Et voilà cette excellente et admirable femme qui fond en larmes à l’occasion de la Reine ; les