Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi qu’à l’Assemblée Nationale et aux comités des recherches et des lettres de cachet, contre moi, ou dans l’affaire qui fut le sujet de ma détention, m’avaient paru plus que suffisantes pour me donner de vous la plus noire impression ; et c’est ce qui fut cause que, ne me croyant plus obligé du moindre ménagement envers vous, j’ai fait sentir dans plusieurs milliers d’imprimés, destinés pour la France et l’Europe entière, mon juste ressentiment ; plusieurs lettres répandues dans les pays étrangers (et par vos adversaires, sans doute) sembloient vous couvrir et vous couvaincre de la plus haute trahison envers la patrie, et autoriser ma haine et mes préventions contre vous.

Cependant comme j’ai le cœur et l’âme justes et incapables de condamner personne ni de compromettre son honneur, sa gloire et sa réputation, sur des clameurs publiques ; c’est ce qui m’engagea à me faire délivrer les copies de toutes les lettres que vous aviez pu écrire pour et contre moi ; les ayant examinées avec la plus scrupuleuse attention, j’ai cru y remarquer et trouver que tout votre crime pouvoit bien n’être autre chose que les malignes instigations de mes ennemis près de vous, Monsieur, aussi bien que près de leurs majesté, et des ministres de France et de Prusse pour me perdre. D’après cette prévention dernière en votre faveur, et que j’aime a me persuader être juste, j’ai cru qu’il seroit facile de vous désabuser et de vous prouver (si vous êtes cet homme juste et intègre que je vous suppose), que je suis plus digne de toute votre estime que non pas de votre courroux, et encore moins de vos persécutions ; d’après ce, jetez encore les yeux sur les imprimés et écrits ci-joints, et mettant la main sur votre conscience, dites-moi vous-même (de bouche ou par écrit) ce que je dois penser de vous ; ce que j’en dois dire à la postérité ; et enfin, si vous voulez être mon ennemi ou mon protecteur. La noble et haute opinion que j’ai conçue de vos vertus et mérites personnels font que j’aime à me persuader que vous serez assez juste pour prendre le dernier parti ; mais je vous prie de m’honorer d’une réponse décisive pour la fin de cette semaine, afin que je sache à quoi m’en tenir ; sur ce, j’ai etc. Monsieur, votre très humble, etc.

P. S. En attendant votre réponse, j’ai sursis tous mes imprimés et mes écrits.