Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/201

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personnel et mes droits, et lui a indiqué et démontré l’intérêt de mes puissans ennemis à m’anéantir, et par conséquent la cause de mon oppression de leur part. Cet intérêt, quoique soigneusement dissimulé, n’est point douteux, non plus que la persécution constante du despotisme du gouvernement ministériel de France, pour m’effacer du nombre des vivans, en me suppliciant aussi cruellement qu’injustement, pendant tant d’années.

Il est acquis pleinement, il est à la connoissance de l’Assemblée Nationale de France, à laquelle je dois le tribut d’une éternelle reconnoissance, pour m’avoir rendu la vie, la liberté et ma patrie, il lui est indubitablement connu que, précipité par le gouvernement despotique et ministériel de France au fond d’un cachot, dans une terre étrangère, au fort de Prusse, à Stettin ; l’auguste Assemblée Constituante m’en a tiré par son humanité et sa justice, après neuf ans de supplices dans cette horrible captivité, chargé de chaines du poids de 60 livres.

Il n’est personne qui en ait entendu le récit, sans frémir, et qui, au prix d’un million, eût consenti à subir un tel supplice.

La cause de cette affreuse nécessité est sensible ; l’intérêt d’anéantir mon existence en fut le secret motif. La réclamation de tous mes droits, celle de mon état personnel, la qualité de fils d’un roi, époux de ma mère par un mariage antérieur, étoient de puissans motifs pour me précipiter au tombeau.

Cette dernière captivité de neuf ans, de la part du gouvernement despotique et ministériel de France, qui même avoit constitué en Prusse, à Berlin, une rente de 600 livres à cet effet, et pour attendre mon extinction dans ce cachot étranger, charge et rend absolument responsable ce même gouvernement de France de toute l’étendue des réparations et indemnités qui me sont dues.

L’Assemblée Nationale constituante a mis à la charge de l’état les dettes des frères du roi, en 1790, sans y être tenue légitimement ; j’ose dire qu’il n’est pas de proportion de légitimité entre les dettes de cette nature, et la juste réparation et indemnité qui m’est due par le gouvernement de France, en raison d’une aussi injuste captivité de neuf ans.

La provision est due au titre. Le mien est celui de persécuté, d’opprimé, d’outragé, de supplicié et dommagé injustement dans tous mes biens et droits personnels, réels, civils, temporels et spirituels.