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N° XII.

Quatrième lettre de M. Suleau à M. L.-Ph. d’Orléans, ci-devant prince français.

Monsieur,

La modération imperturbable que vous opposez si stoïquement à toutes mes attaques, m’a tellement degoûté de guerroyer avec vous, que je ne me sens plus le courage de renouveler mes hostilités, et que, pour n’être pas un peu honteux de la facilité de mon rôle, j’ai besoin de penser qu’elles n’ont pas laissé que d’influer sur la tranquillité publique.

Pourquoi faut-il donc que j’aie encore quelque chose à vous dire, quand il est si évident qu’il n’y a rien de commun entre vous et moi ? Ah ! c’est qu’il ne suffit pas à mon honneur public que vous admiriez la générosité de mon caractère, et que vous rendiez hommage à la loyauté de ma conduite ; il faut encore que tous les honnêtes gens sachent qu’il ne tient pas à moi que le voile perfide qui couvre d’horribles mystères, ne soit violemment déchiré, et que, si elle est encore suspendue, la foudre qui auroit déjà dû écraser ou votre tête ou la mienne, ce n’est pas moi qui peut être soupçonné de l’avoir conjurée#1.

Sans autre mission que mon dévouement au salut de la patrie, j’ai l’honneur de vous avoir accusé hautement d’attentats dont l’idée fait frémir ceux mêmes auxquels l’hypocrisie de vos combinaisons a fait quelque illusion. Fatigué d’en provoquer inutilement la vengeance, j’ai entrepris de la poursuivre à mes risques[1]

  1. Cette manière de professer des égards pour l’opinion vous paraît bizarre, ce n’est pas ma faute si vous en êtes surpris et presque scandalisé : tout cela n’est qu’une affaire de goût et de principes, et la seule induction qu’à la rigueur vous puissiez tirer de ma susceptibilité, c’est que je ne suis pas encore au niveau de votre sublime philosophie qui attache plus de prix à un petit écu qu’à l’estime publique.