Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/64

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et la valeur d’un louis d’or, à la bourse de Paris, était cotée pour sept mille deux cent quarante-six francs en assignats. Les conventionnels en avaient émis pour la somme de quarante milliards, et la banqueroute opérée par le Directoire a été de trente-deux milliards et sept cent millions (N’oubliez pas qu’on avait fait la révolution française à l’occasion d’un embarras qui provenait de cinquante et quelques millions de rente).

Comme on avait mis au plus bas prix les taux originels de soumission pour les propriétés dites nationales, on pouvait acquérir une église, un bois de mile arpens, une ferme en Beauce, un hôtel à Paris, un herbage en Caux, ou tel autre bien d’église ou d’émigré pour une centaine de livres tournois, qui, converties en assignats ou mandats territoriaux, faisaient encore un assez gros monceau de papiers.

On parlait d’un perruquier nouvellement enrichi, qui venait d’acheter l’hôtel de Salm#1 et qui venait d’y faire changer le parquet du plus grand salon, parce qu’il ne trouvait pas que la marquetterie en fût assez magnifique pour lui. C’était un bouleversement de fortunes tellement rapide qu’il ressemblait au résultat d’une loterie générale. Les cinq directeurs de la république en étaient les spoliateurs en titre d’office : ils s’arrangeaient avec les fournisseurs et les caissiers aux dépens des soldats, aux dépens des hôpitaux et jusqu’aux dépens des commis des employés et des autres salariés de leur gouver-[1]

  1. Aujourd’hui, grande-chancellerie de la Légion-d’Honneur.