Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/81

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teressés, mais c’étaient des gentilshommes d’une équité scrupuleuse et d’une générosité manifeste.

Long-temps, vingt ans peut-être, après la mort de leur sœur, car c’était au beau milieu de la révolution, notez bien ceci ! on entend dire en Orléanais que Mme de Douhault n’était pas morte, et puis qu’elle venait d’intenter un procès criminel à son frère aîné, qui s’était emparé de toute sa fortune. Au lieu de faire enterrer sa malheureuse sœur, qu’il avait endormie par un narcotique, et qu’il avait forclose en pays magique, vous imaginez bien que c’était une bûche ?

C’est toujours une bûche. Il y a terriblement long-temps que une bûche ! et mieux valait dire un fagot, pour cette fois-ci.

Mais cependant, toute la bourgeoisie d’Orléans reconnait la ci-devant Marquise de Douhault, ainsi que la plupart de ses fermiers et ses anciens vassaux de ses terres. On la confronte avec tout ce qui restait de sa famille, et toute la famille est convaincue que cette prétendue victime de la cupidité fraternelle est une ancienne femme de chambre de la défunte, à laquelle on avait eu la bonté de laisser une partie de sa garde-robe, ainsi que le mobilier de la petite chambre qu’elle occupait au château. Elle devait se nommer Buirette ; elle devait être native de la Villette, auprès de Paris.

En accordant qu’elle eut été Mme de Douhault, elle pouvait être un peu changée de visage après vingt années d’emprisonnement et de souffrance : mais en admettant qu’elle eût tout-à-fait perdu l’usage du monde, elle aurait dû savoir encore un