Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/98

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prison, et ce furent nos deux malheureux Bretons qui payèrent pour tout le monde.

Toutes les personnes qui subirent le procès nous ont dit que la seule chose qu’on eût à leur reprocher était l’acquisition d’une charrette, et moi qui savais que Saint-Régent ne l’avait achetée que pour transporter pendant la nuit le corps de son frère à la porte du cimetière de Vaugirard, j’espérais toujours que Dieu lui serait en aide. C’est une révélation qu’il ne voulut pas faire, de peur de compromettre M. Duperron, notre juge de paix, chez qui ce pauvre jeune homme était mort. Il en fut ainsi de M. de Limoëlan dont on ne savait pas le nom véritable et qu’on accusait d’avoir participé à la confection de la machine infernale, tandis qu’il n’était pas sorti de chez moi depuis quinze jours, et qu’il n’avait vu pendant ce temps-là que l’Abbé de Closrivière et Mlle de Cicé. Je me reproche toujours de n’avoir pas rompu la glace, de n’avoir pas été protester de son innocence en déclarant la vérité des faits à la face de ce tribunal ; mais j’avouerai humblement que je n’en eus pas le courage. Je me fis des illusions jusqu’au dernier moment. C’était cette charrette qui était le seul corps de délit. La condamnation ne pouvait reposer que sur l’identité prétendue de celle qui portait la machine avec cette autre charrette dont Saint-Régent s’était servi comme d’un corbillard et qui avait été revendue dix-huit francs par René Dupont !…

— Non, disais-je, on n’écoutera pas ce paysan suborné, ce faux témoin qui vient reconnaitre une charrette qu’il a vendue, il y a plus de six mois, et