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Page:Crawford - Insaisissable amour, av1909.djvu/28

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puisqu’il faut vivre d’une vie quelconque. Je voudrais être toujours mon seul maître et, si on me donnait le choix, il y a une foule de choses que j’aimerais. Mais je ne puis les avoir.

— Ne sommes-nous pas presque tous dans les mêmes conditions ? dit Constance d’un air un peu rêveur.

— Il existe donc au monde quelque chose que vous désirez et ne pouvez avoir ?

— Oui. Bien des choses…

— Je n’entends pas parler, bien entendu, reprit George en insistant, des aspirations morales et intellectuelles que vous devez forcément avoir. Vous aimeriez à être une héroïne, une sainte, la présidente d’une grande œuvre de charité ; vous aimeriez à être une savante, une historienne, une romancière, et vous seriez certainement heureuse d’être un grand poète. Vous aimeriez évidemment à conduire la mode d’une façon recherchée, car je vous accorde bien un peu de vanité avec tant de vertu. Oui, mais tout cela n’est pas ce que je veux dire. Quand je parle de désirs, je parle de désirs se rapportant à la vie réelle. N’avez-vous pas tout ce que vous désirez, ou ne pourriez vous pas tout avoir ? Si vous n’aimez pas New-York, ne pouvez-vous aller vivre en Sibérie ? Si vous n’aimez pas votre maison, qui vous empêche de la mettre sens dessus dessous et de la décorer d’ailes de perroquets verts, si cela vous plaît ? Si vous avez des besoins, ils sont moraux et intellectuels.

— Mais toutes ces choses dont vous parlez ne dépendent uniquement que de l’argent, dit Constance d’un air un peu timide. Ce ne sont là que des besoins matériels…, même pas… des caprices.

— Mon désir de mener la vie tranquille d’un étudiant n’est ni un caprice ni un besoin matériel ;