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travers d’une page à moitié écrite et, au milieu de cette confusion, émergeait, écarlate, le bouchon d’une bouteille d’encre rouge.

George entra dans ce sanctuaire, et avant de faire quoi que ce soit, il quitta les habits qu’il portait et les remplaça par des vêtements râpés de différentes époques. Puis il alla à la fenêtre avec quelque chose qui ressemblait à un soupir de soulagement. La vue n’avait rien pourtant qui pût l’inspirer, mais l’aspect des choses familières évoquait sans doute dans son esprit un courant de pensées agréables. Il ne resta, du reste, qu’un moment en contemplation devant cette perspective de l’étroite cour briquetée derrière laquelle s’étendaient les étages supérieurs d’une grande maison et une rangée de toits à la Française que rougissaient les derniers rayons du soleil d’hiver. Lorsqu’il se retourna, il alluma une lampe à essence, et la vision de Constance et de Grâce Fearing se dissipa pour faire place à des réflexions plus pratiques. Il s’assit et prit un livre nouveau, en cherchant instinctivement de l’autre main son couteau à papier parmi le fouillis désordonné qui l’entourait.

Après avoir coupé une vingtaine de pages, il se mit à chercher la lettre du rédacteur en chef du journal dans lequel il écrivait. Les volumes lui étaient envoyés pour en faire le compte rendu, accompagnés du billet habituel fixant avec un cynisme odieux le nombre de mots qu’il devait consacrer à la critique de chaque ouvrage.

« Environ cent mots par volume, » écrivait le rédacteur de la partie littéraire ; « et renvoyez-les-moi avec les notices pour lundi à midi au plus tard. »

On était au jeudi, et il y avait dix volumes qu’il