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blait toujours suspendu au-dessus des mobiles du jeune homme. Le doute lui même n’avait pas disparu et ne pouvait facilement disparaître, car sa cause permanente était sa propre fortune.

Quant à George, il se considérait comme engagé, conditionnellement bien entendu, à épouser Constance Fearing. Elle lui avait répété, sur ses pressantes sollicitations, que si jamais elle l’aimait elle l’épouserait, il n’avait rien pu obtenir de plus. Lui, de son côté, avait déclaré avec beaucoup d’énergie que, quand bien même elle l'aimerait, il ne l’épouserait pas avant d’être débarrassé de tout souci d’argent et avant de s’être fait un nom. En somme, rien ne semblait moins probable que la réalisation de ce mariage. La distance qu’avait à parcourir le jeune homme pour arriver à être l’un des rares écrivains à succès du jour était considérable. Et puis, une amitié qui dure depuis plusieurs mois n’est-elle pas généralement une mauvaise base pour bâtir des espérances d’amour ? L’intimité même des relations interdit ces surprises auxquelles l’amour paraît se complaire.

Peut-être l’effet le plus immédiat et le plus visible de ses dernières entrevues avec Constance se fit-il sentir surtout dans son travail. George commençait à se rendre compte qu’il ne pouvait plus désormais effacer son individualité et contenir ses opinions personnelles. Maintenant ses articles excédaient la longueur prescrite, il faisait de malicieuses citations, glissait des épigrammes, des remarques aussi dures qu’injustes sur d’éminents écrivains ; il n’y avait pas un alinéa qui ne contînt un paradoxe, et, de la sorte, il causa un vif mécontentement dans les journaux qui l’employaient.

Plusieurs directeurs lui firent des reproches sérieux et l’avertirent que s’il ne revenait pas à son