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quand aucune nécessité d’ordre économique ne l’exige, borner son horizon au ménage et aux prétendus devoirs mondains. Elle peint surtout, et avec une émotion sincère, les douloureuses figures de femmes du peuple, écrasées par un travail excessif, usées par des maternités nombreuses et misérables, et dont la servitude paraît au mari et aux fils chose toute naturelle.

Une de ses nouvelles, Un morceau de pain[1], dessine avec force une de ces lamentables silhouettes.

La donnée de la nouvelle est celle-ci :

Une place assez avantageuse est briguée par trente concurrents. Le lecteur est introduit successivement dans deux familles inconnues l’une de l’autre, dont le bonheur, dont la vie même dépendent de l’obtention de cette place. Une fillette de quinze ans va prier Dieu avec passion de la donner à son père ; elle rentre, réconfortée par sa prière, mais reste comme frappée de la foudre en entendant dire tout à coup que vingt-neuf personnes forment à ce moment le même vœu :

« Trente concurrents ! Et parmi eux il y en a certainement beaucoup qui ont prié Dieu comme elle, à genoux, pour qu’il les aide, et aussi qui l’ont prié pour qu’il ne contente pas sa propre espérance !… Là, tout autour, dans le pays, il y a des mères, des filles qui pensent,

  1. Ur lifvet, 3e recueil, 1889.