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ÊTES-VOUS FOUS ?

d’opéra-comique, obstiné à se souvenir des cités légendaires et de leurs toits d’or engloutis, visibles aux seuls naufrages, l’avait, une fois pour toutes, mis en garde contre le bas mensonge romantique et réconfortant.

L’océan morne des arbres qui n’ont jamais de feuilles pourrait s’ouvrir, lui, roulerait vers le fond de cet entonnoir, enseveli dans un pan de brouillard. Son immobilité qui creuse les coussins, déjà ne les réchauffe plus. Corps abandonné, vaisseau fantôme. Tu glisses au fil d’un fleuve très incliné. L’horizon chavire. Le sommeil, peut-être la mort… Sans cette douleur inexorable qui a freiné juste au bon moment, à même sa dernière brume de conscience.

L’homme s’éveille, veut bien reconnaître un contour aux sapins, des couleurs exactes à sa couverture. Même, malgré soi, il fredonne le distique à la gloire de février porte fièvre. L’imbécile ! Pourquoi avoir crié, avoir cru aux temps nouveaux, lorsque, fibre à fibre, se déchiraient les muscles ? La douleur, cette chienne, il l’a laissée mordre en pleine chair. Habitué dès l’enfance aux peines à leurs guir-