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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/53

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d’eux ? Dans l’armoire aux livres, moisissent des illustrés vieux de quinze ans, qui racontent l’histoire d’une terrible bande. Des jeunes hommes volaient des autos, puis, à des vitesses folles, sillonnaient le pays, sans pitié pour qui s’opposait à leur passage. Douceur provinciale des petites villes soudain secouées à grands fracas, banques pillées, pavés sanglants, coups de carabine qui firent tragique un hypocrite printemps d’Île-de-France, à lire le récit de ces prouesses meurtrières, il était impossible de ne pas souhaiter que ne fussent point pris les inexorables garçons. La peur inventait des épithètes pour salir ces conquistadors égarés dans un siècle bureaucrate. Mais, Hannibal, avec ses soldats, ses éléphants, était-il allé vers de plus justes conquêtes ? Hélas, bandits aux joues roses, la fatigue bientôt courba vos fières épaules, puis vint la trahison. Certains choisirent une mort volontaire, d’autres durent se résigner à subir la terrible attente de la guillotine, la curiosité sournoise des hommes et des femmes qui vont voir juger et, avant le couteau sur la nuque, d’interminables heures dans les cellules sous les préaux qui sentent le papier mouillé. Et toutes ces tortures, pour avoir voulu ressusciter le vent…