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Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/41

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l’avouer jamais, que mon inquiétude ne saurait d’elle-même trouver aucun mode d’expression qui me pût être profitable.

« Que cherchez-vous ? demandait-elle.

— Je ne sais.

— Vous-même ?

— Ma chère Léila, si je prétendais me chercher moi-même, c’est que je me serais trouvé déjà. Je suis encore au point de départ. Je cherche ce que je cherche. »

Le jour de la mort de mon père, ce fut à Léila que j’allai faire ma deuxième visite. « Fouillez dans le remords, me conseilla-t-elle, dès que je lui eus dit mon anxiété ; fouillez des deux mains ; vous trouverez des perles et des vautours, mais vous allez enfin trouver. » Elle continua sur le mode lyrique ; j’écoutai sa voix, sans percevoir le détail de son discours, ni chercher aux mots un sens exact.

Le choc grâce auquel nous pourrions nous découvrir nous laisse devant nous-mêmes comme le cambrioleur novice devant le coffre-fort trop facilement ouvert. Il n’y a plus qu’à puiser et certes il puiserait si la peur ne le contraignait à la fuite.

Les jours qui suivirent l’enterrement de mon père, en pleine tourmente, je ne sus point utiliser l’exaltation qui en naissait, n’écrivis rien de ce que j’aurais pu deviner, ne fus pas le visionnaire qui laisse un compte rendu.

Je retournai chez Léila.

Parce que mon angoisse lui avait plu, elle se mettait en frais, oubliait sa petite suite de plaisanteries aigres. Moi je la laissais parler, regrettant de ne pouvoir fermer les yeux