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et latines se régalent, fassent leurs choux gras, la traite des blanches n’a pas encore épuisé notre réservoir national de putasseries, finasseries, andouillasseries. La création juridique des personnes n’est certes pas un mythe, et pour parer à la crise de la natalité, il y a naissance de jolies petites sœurs, les Entités chères au vaniteux Individualisme de ces temps.

Nous connaissions le visage de la France. Nous savions l’exacte couleur de ses cheveux, bien qu’ils fussent cachés sous le bonnet phrygien. Dame patrie était plus foncée que l’Allemagne (en dépit des brunes juives berlinoises), plus claire que l’Italie (malgré les blondes piémontaises et les rousses vénitiennes). Or, un peu de patience et bientôt l’on va nous dire si l’Europe est mâle ou femelle, albinos ou fauve, grâce à ce vent qui, de la Pologne au Cotentin, de la Finlande à Gibraltar assemble les traits d’un continent.

Pangermanisme, panslavisme ? De la vieillerie, de la gnognotte, depuis que nous avons Paneuropa, dont l’inventeur, le comte Khoudenov Kalergi (moitié Autrichien, moitié Japonais, philosophe paneuropéen de la plante des pieds à la racine des cheveux) dirige une revue paneuropéenne où j’ai eu, jadis, le plaisir de lire entre autres fariboles, une lettre de général français qui, d’avoir découvert, lors de l’occupation, que les Allemands n’étaient pas des bêtes sauvages, avait décidé une alliance avec l’ancien ennemi pour une belle petite guéguerre contre la Russie ou l’Amérique, au choix.

Et quelle jolie carte du monde nous allons avoir grâce à Paneuropa !

L’Europe sera rose et ce rose s’étendra aux meilleurs morceaux d’Asie, d’Afrique. Et si vous vous permettez de faire observer à un paneuropéen que l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et le Congo, c’est peut-être l’Afrique, il vous rira au nez, car si les races se distinguent les unes des autres, et les unes aux autres s’opposent,