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au règne de la liberté. D’où, activité antireligieuse. Dans les pays catholiques, surtout, la lutte doit être sans merci, puisque la religion n’y force l’homme à tout dire à Dieu que pour l’inciter, le décider à se cacher de son semblable. Les confessions des sans-dieu sont le réconfortant contraire de l’escamotage qui permet aux sournois petits bondieusards de se reposer sur les lauriers d’une pénitence dérisoire.

Il nous faut des aveux concrets, sans humilité comme sans forfanterie.

Qu’une route sismographique s’élance loin des cachemittes en torchis d’abstraction, loin des façades esthétiques, à l’ombre desquelles, se laisse choir l’analyse atteinte de paralysie par trop particulière.

Le scandale, non seulement n’est pas à fuir, mais encore, mais au contraire, il doit être reconnu d’utilité publique. Il ne s’ensuit d’ailleurs pas qu’il faille s’y limiter, le limiter à lui-même. Vouloir le scandale pour le scandale, ce serait encore choisir une retraite, ce serait pétrifier une phase, arrêter un mouvement, donc se castrer du possible, du nouveau et déclarer la guerre au temps à venir. Ce serait, en somme, tirer de simples feux d’artifice contre un état de choses à réduire sans pitié.

Si l’idée du suicide valut à Nietzsche des nuits de bon sommeil, une telle monnaie de singe individualiste ne saurait avoir cours hors des Engadines solitaires. Payer le titre de surhomme d’un pessimisme anarchisant, mêle-tout et montre-tout, voilà qui, certes, n’aidera guère l’humanité à conquérir le droit à la paresse si péremptoirement revendiqué par Laforgue.

Constatons donc, une fois de plus, l’urgence d’abolir toutes les frontières et, non moins que les autres, celles du scandale.

Dans Comment je vois le monde, Einstein rapporte cette définition (qu’il appelle un peu légèrement boutade) d’Arnold Berliner :

Qu’est-ce qu’un auteur scientifique ?