Aller au contenu

Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Aucun effort ne s’opposera jamais à l’élan mystérieux qui n’est pas l’élan vital, mais son merveilleux contraire, l’élan mortel.

Si j’essaie de temporiser, en me dédiant aux vérités relatives et à leurs piètres prétextes, les phénomènes extérieurs, très vite il me faut reconnaître que fuyant l’idée de la mort je n’ai pas accepté non plus celle de la vie, et que tous mes actes furent de petits suicides momentanés qui me diminuèrent sans m’éloigner de la douleur. Je n’ai pas voulu me sentir vivre. J’ai descendu l’escalier qui menait au bar souterrain et lumineux. J’ai bu, j’ai dansé. Ma chair devenait insensible. J’ai baisé toutes les bouches pour être bien sûr que je n’avais plus ni désir ni dégoût. Entre deux boissons j’ai combiné des affaires, des articles pour le lendemain. J’ai ébauché une aventure. Et j’ai entassé les projets sur les projets. J’ai pincé ma peau devenue indifférente. Je me suis mordu la main, et je n’ai pas reconnu le goût humain.