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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/138

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pas —, puis-je dire, sans feintise que, moi, je vais maintenant me suffire à moi-même ?

Quand je suis seul j’oublie l’existence des autres, mais ce n’est que pour mieux douter de la mienne.

Sans être, sans objets, à qui vouer les mouvements de mon corps ou de mon âme, que me reste-t-il ?

Faisons nos comptes, que me reste-t-il : cette nuit, hormis la montagne qui le jour, à mon arrivée, commençait verte, devenait grise, finissait blanche. Je retourne à la fenêtre. La lune s’est levée, la lune éclaire la route, le torrent parallèle à la route, la chaîne parallèle au torrent. La lune éclaire le paysage et, puisque, bonnes ou mauvaises, ma faiblesse s’acharne à réclamer des raisons, les fameuses raisons de vivre, je répète, comme s’il s’agissait, en vérité, de quelque talisman de bonheur : « La lune éclaire le paysage. » Alors, qu’importent le bois blanc de l’armoire,