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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/153

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et les images dont j’ai tentation de l’embellir ne suffisent point. Je suis sûr d’un goût de chair dans ma bouche. La langue est une île inconnue dans la géographie des rêves, et pourtant, quand j’ai cessé de dormir, ma langue, oui, ma langue pensait qu’il est assez facile de devenir anthropophage.

Voilà un rêve qui n’est guère pittoresque. Pourtant je le donne pour un de mes plus étranges. Il m’a hanté toute une nuit et tout un jour. À la recherche de cette secousse qui me fit l’égal confus de Dieu, j’essaie de bâtir une tour qui n’arrivera jamais à me mener si haut que cette fumée au goût de chair humaine.

Notre sommeil coupé en deux, nous nous apercevons que l’esprit libéré ne s’enchaîne point toujours à ces prétendues merveilles qu’il plaît à nos minutes lucides d’amonceler. Bien plus que des dragons ou les éruptions des volcans de porcelaine, m’épouvante ce nettoyage par le vide qui me vaut par exemple de rêver que je ne rêve point. De même une