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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/176

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sur ma cuisse restée froide, comprimée par le caleçon, ce petit bloc tiède, dont une autre peau, ma peau quotidienne d’enfant triste, veut croire qu’il est un morceau ferme du sein de cette fille qui m’a souri. Je m’arrête. Mes parents me dépassent. Je n’ose plus avancer. Sont-ce des secondes, des heures ? à mon corps le linge est doux. Pourtant c’est la même chemise, le même caleçon qu’hier. La fille chante : Tu voudrais me voir pleurer

Tu cherches à me faire de la peine.

Des larmes montent. Je ne comprends plus rien à la rue, à mon corps. Je n’ai connu pareil trouble qu’il y a trois années. J’avais dix ans. J’étais au cirque. Je suivais les dangereuses coquetteries des trapézistes, et soudain je rêvais que rien ne me ferait un plus vif plaisir qu’une déchirure inopinée au plus intime endroit de leur maillot. Beaux acrobates qui manquiez mourir à chaque mouvement et ne daigniez point me montrer votre