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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/23

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s’habiller avec esprit. » Je prévois la gifle, la pare, la reçois tout de même. Bonjour. Bonsoir. Je vais regarder comment se lève le soleil au bois de Boulogne.

J’ai marché. L’aube accrochait aux arbres des lambeaux d’innocence. Un petit bateau achevait de se rouiller, abandonné des hommes. Heureux de l’être. Seul comme moi. Seul. Illusion encore. Il paraît que l’autre m’avait suivi. J’entends sa voix : « Tu vois, ce yacht, c’est celui de l’actrice qui se noya dans le Rhin. » Oui, je me rappelle. Se rappeler. Encore, toujours. Mon professeur de philosophie avait donc raison qui prétendait que le présent n’existe pas. Mais là n’est pas la question. Un yacht est abandonné sur la Seine. Qui oserait l’habiter depuis qu’une actrice s’en précipita pour se noyer dans le Rhin, une nuit d’orgie ?

C’était, je crois, durant l’été 1911.

1911. L’année de ma première communion. « Une nuit d’orgie », répétait la cuisinière commentant