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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/79

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manqué, des bouquets, les plus mauves, les plus tristes, sous ses yeux, se fanent. Qu’il reprenne son refrain : « Voici la fleur de volupté », et je songe à ces longues fleurs pourpres dont se couronna Ophélie et que, nous dit Shakespeare, les bergers appellent d’un nom licencieux et les jeunes filles réservées, doigts d’homme mort.

Un jour sans doute, le Pétrone raté deviendra l’Ophélie réussie du canal Saint-Martin.

Un nègre a un pauvre sourire dans un coin. Ses jambes nues sortent d’énormes chaussures. Il porte une vieille jaquette de laine grise. On lui fait comprendre que c’est son tour. Il quitte sa veste, ses godasses. Il est nu. Sa peau a la couleur des perles noires. Un petit caleçon blanc de l’une à l’autre cuisse ploie sous le fardeau d’un sexe africain. Et il danse. Et en dansant il embrasse sa poitrine, caresse ses épaules de ses grosses joues. La musique s’arrête. Il a envie de pleurer. Le caleçon lui fait honte. Son nom aussi. Une Américaine lui