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Page:Critique de la raison pure (trad. Tissot) Tome I, 1845.djvu/36

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ce qui pouvait arriver, soit en bien, soit en mal, à ceux qu’il chérissait, il s’informait plusieurs fois par jour de leur sauté lorsqu’ils étaient malades, et qu’il ne pouvait les voir. Pendant toute la durée de leur maladie, il était dans un état d’inquiétude visible et constant : du reste, infiniment de simplicité et d’abandon avec eux. Sa destinée voulut qu’il survécut à la plupart, et surtout à ceux qui lui étaient le plus chers, Green, Motherby, Wlömer, etc. Ces pertes successives exercèrent une influence fâcheuse sur son caractère, et sans doute aussi sur ses facultés intellectuelles et physiques.

De son côté, Kant était naturellement un homme fort aimable : il possédait le grand art de parler de tout d’une manière intéressante pour chacun, et sans la moindre pédanterie ; nul savant n’était plus homme du monde, nul homme du monde n’était plus savant. Il n’aimait pas les trop grandes réunions, surtout à table, parce que, disait-il, la conversation ne peut pas être aisément générale, si les convives « ont plus de neuf. D’un autre côté, ils doivent au moins être trois, pour qu’elle soit un peu animée et intéressante. Le nombre, des Muses et celui des Grâces étaient donc comme deux limites entre lesquelles il aimait à se trouver dans le monde. Peu flatté de l’assentiment des hommes qui sont toujours de Pavis des autres, faute d’en avoir un en propre, il supportait naturellement avec une certaine impatience les contradictions prétentieuses et bizarres. 11 aimait à s’entretenir de politique, de littérature, d’art, d’histoire et de géographie. Il voyait si bien les événements, et avait une connaissance si juste des hommes, des peuples et des rapports politiques des nations, qu’il a prédit plusieurs fois, longtemps à l’avance, des événements importants. Sa confiance en ces sortes d’inductions morales était très-grande, et il les développait avec (pâleur et sagacité.

Kant avait le goût très-cultivé, particulièrement en matière de poésie et d’éloquence. Le peu de vers qu’il a laissés se distinguent par la facilité de la forme l’abondance des pensées et la force de l’expression. H ne reconnaissait pas de poème en prose, et appelait un semblable genre de composition de la prose en délire, Kant était plus amateur que connaisseur dans les autres arts, surtout en musique, où il ne trouvait aucune expression intellectuelle. Il comprenait cependant toute la portée morale et civilisatrice de cet art, et en recommandait fortement la culture. Il le goûtait davantage lorsqu’il était joint la poésie. La mise de Kant se ressentait de son goût : sans être recherchée, elle était toujours propre, et les différentes parties en étaient