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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/108

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CHAPITRE PREMIER. — LES ORIGINES

partout les déesses piériennes pour les dispensatrices de l’inspiration poétique, et on rattacha à la Piérie par diverses légendes les représentants réels ou fictifs de la poésie transformée.

L’extrême simplicité morale et intellectuelle de ces temps antérieurs à l’histoire se reflétait naturellement dans ces antiques créations du génie national. Les populations de la Grèce, autant que nous pouvons en juger, cherchaient alors leur subsistance dans le travail dur et obstiné de la terre : ni industrie active, ni grand commerce ; une vie rude, pauvre, asservie et inquiète ; la guerre fréquente, et par conséquent les incursions et les pillages ; tout le monde, comme le dit énergiquement Thucydide, avait les armes à la main (πᾶσα ἡ Ἑλλὰς ἐσιδηροφόρει). Au lieu de villes ouvertes, des enceintes fortifiées, bâties en pierres énormes sur des collines ; et là des chefs de guerre qui sans doute défendaient au besoin l’homme des champs et lui donnaient asile derrière leurs remparts en cas de danger, mais qui aussi, en temps de paix, le pressuraient cruellement et l’assujettissaient à de lourdes corvées. Dans cette existence sombre, la grande joie, c’était la religion des ancêtres et ses fêtes. L’âme naturellement poétique de ce peuple si bien doué s’y délassait et s’y retrempait. Ses instincts d’ordre, d’idéal, de grandeur simple le prédestinaient à la prière poétique et chantée. Zeus, l’ancien dieu pélasgique, le maître suprême, l’habitant divin des hautes cimes, Zeus, l’éther divinisé, possesseur de la foudre, assembleur de nuages et bienfaiteur souverain des hommes, était celui à qui s’adressaient principalement les hommages de la poésie primitive. Sous ce nom vénéré, c’était la nature même qu’on adorait d’une manière à demi consciente, la