Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

386 CHAPITRE VII. — L'ART DANS L'ODYSSEE

aussi intelligente. En général les dieux de VIliade ne rendent pas raison de leurs faveurs ou de leurs préférences ; on sent qu'elles se fondent sur des tra- ditions ou des légendes que le poète accepte sans chercher autrement à s'en rendre compte. Héré est la déesse d'Argos, Apollon est le dieu de Pergame; ils prennent parti pour leur ville. L'Athéné de V Odyssée est tout, autre. Entre Ulysse et elle, il y a sympathie de nature, et leur amitié est fartte d'intel- ligence. C'est une déesse d'esprit qui aime un homme d'esprit. La scène du treizième livre où la déesse et le mortel s'entretiennent familièrement ensemble, et où Athéné jouit des inventions imperturbables de son protégé est tout à fait nouvelle dans la poésie grecque. VIliade ne nous offre rien de semblable. On y sent une religion qui s'épure. La puissance divine s'y allie par un instinct nouveau à l'intelli- gence humaine, elle se donne à elle comme à l'objet naturel de sa préférence. Philosophie encore incon- sciente, dont l'instinct poétique est le révélateur.

Mais, chose remarquable, le rôle de la déesse n'est pas en rapport, dans le développement du récit, avec l'idée de cette alliance. Athéné, qui s'est faite l'amie d'Ulysse, n'agit pas pour le secourir d'une manière digne d'elle. Son intervention est rare et faible. Elle change et rechange ses traits extérieurs, elle vient l'éclairer lorsqu'il transporte les armes, elle apparaît enfin un instant sous la figure de Mentor pendant le massacre des prétendants. Quels que soient les auteurs des morceaux auxquels nous faisons allusion, aucun d'eux n'a pu imaginer une scène où le rolc de la déesse eût la grandeur que nous attendions. Etait-ce seulement insuffisance de leur part Pou plutôt ne subissaient-ils pas là l'effet nécessaire du changement des idées? Athéné, en

��� �