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460 CHAPITRE X. — LA POÉSIE HÉSIODIQUE

humaines, telle qu'ils la concevaient, ne pouvait manquer d'être instructive. Ils enseignaient donc en un certain sens, parce que toute grande œuvre de l'esprit enseigne, à l'insu même et. sans l'intention de son auteur; mais en somme, ce n'était pas là ce qu'ils se proposaient. Leur objet était de glorifier les grandes actions, c'est-à-dire de faire ressortir dans de beaux récits tout ce qu'avaient fait et souffert les glorieux ancêtres. Ils visaient avant tout à l'effet narratif, ils recherchaient les scènes dramatiques, le jeu des passions, les descriptions émouvantes, en un mot tout ce qui pouvait toucher et charmer leurs auditeurs. Préoccupés de plaire plus que de toute autre chose, ils traçaient avec liberté un tableau idéal, dont le sujet était bien emprunté à la tra- dition, mais que leur imagination embellissait sans scrupule.

Bien différente est la poésie dont nous avons maintenant à parler. Certes, celle-ci n'est pas non plus dénuée du désir de plaire, sans lequel ce ne ne serait pas à proprement parler une poésie ; mais une autre intention la domine, elle veut instruire. Soit qu'elle donne des préceptes moraux, soit qu'elle enseigne à bien conduire les travaux des champs, soit qu'elle traite de navigation, d'astronomie, de divination, soit qu'elle déroule en longues énumé- ralions les généalogies des dieux et celles des héros, elle a toujours pour objet principal de graver dans la mémoire de ses auditeurs des choses qu'il estbon pour eux de savoir. Si elle cherche à les charmer, c'estque le plaisir est le meilleur appât de l'attention et le meilleur auxiliaire de la mémoire. Elle veut se faire écouter afin qu'on retienne ce qu'elle proclame. Tout chez elle est subordonné à une vue générale d'utilité qui lui donne son caractère propre.

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