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496 CHAPITRE XI. — LES TRAVAUX ET LES JOURS

essentielles, mais faute d'analyse, ils en aperçoivent mal les rapports intimes, et ils les lient entre elles bien plus par instinct, par imagination, par sen- timent, que par raison profonde ; Taccident a une part notable dans leur éloquence. Et pourtant les raisonnements des personnages de l'épopée se rap- portent à des faits présents ; la suite de leurs idées leur est donnée en quelque sorte par les choses elles-mêmes ; ils ont une proposition à faire et ils vont droit à leur but. S'ils rencontrent des matières de morale générale, qu'en font-ils ? Ils les énoncent par sentences ou les traduisent sous forme de mythes. Voilà un état d'esprit bien caractérisé et absolument différent du nôtre. C'est celui qu'il faut concevoir et réaliser, pour ainsi dire, en soi-même, si l'on veut bien comprendre Hésiode.

Représentons-nous un Grec, un Béotien du viii* siècle avant notre ère, sans philosophie, sans au- cune habitude d'un développement oratoire quel- conque, formant le projet de mettre son talent poé- tique au service d'idées morales qui lui sont chères et que des circonstances particulières lui rendent plus précieuses encore. S'iinaginc-l-on qu'il ait pu se tracer un plan comme nous Tentendons, c'est-à- dire se définir exactement à lui-même son sujet et distribuer d'avance ses pensées en groupes, selon leurs ressemblances intimes? Etait-il en état de cons- truire un poème sur le travail à peu près comme Pope construisait son Essai sw la critique ou Boileau son Art poétique ?

Evidemment, non. La seule chose possible en ces temps reculés, c'était de grouper autour d'une don- née positive, autour d'un fait palpable, un certain nombre d'idées qui s'y rapportaient plus ou moins directement. Ce fait, c'est pour Hésiode la conduite

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