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INTRODUCTION

pose certaines convenances reconnues et acceptées, d’où l’on ne s’écarte plus. Si les genres sont nés en Grèce en dehors de toute tradition et de toute influence étrangère, et malgré l’indépendance naturelle à la race hellénique, c’est apparemment que cette classification naturelle des œuvres de l’esprit convenait à ces intelligences nettes et précises. Il leur semblait que chaque chose devait avoir son caractère propre et porter en quelque sorte sa destination écrite sur son visage. De même qu’un temple différait d’un gymnase, une tragédie ne pouvait pas ressembler à une comédie. Un instinct très fin et très vif, un discernement très délicat ont donc établi chez les Grecs, à mesure que l’occasion s’en est présentée, un certain nombre de types dont l’excellence n’a plus été contestée. Mais comme les convenances que chacun de ces types représentait étaient parfaitement senties de tous et répondaient vraiment à des instincts nationaux, les grands écrivains les ont observées sans effort et par suite sans timidité scrupuleuse. C’est ce qui explique comment ces mêmes genres, qui ont paru quelquefois une servitude aux modernes, n’en était pas une pour les Grecs. Ils érigeaient leurs instincts en lois, tandis que nous, bien souvent, nous avons reçu des lois toutes faites, et nous y avons plié nos instincts.

Il résulte de là tout naturellement que les phases successives de la littérature grecque ancienne doivent être caractérisées par l’importance croissante de la réflexion dans l’emploi des facultés naturelles, fait essentiel de toute évolution intellectuelle régulière. À l’origine, c’est l’imagination et le sentiment, sous leur forme naïve, à demi inconsciente et spontanée, qui prédominent : non qu’il