Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/200

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des festins. Toute sa vie se déroulait dans ses vers au jour le jour. Il touchait à tout et à tous avec une liberté de paroles, une verve, une abondance d’idées et d’images, une force de style admirables.

Le danger auquel s’exposent les satiriques, c’est d'être tendus et monotones; le rire, quand il devient affaire de métier , tourne facilement à la grimace. Archiloque échappe sans peine à ce péril : le rire, chez lui, n'a jamais rien d’une manie ou d’une prétention; il est avant tout naturel; on sent qu’il jaillit d une âme sincère, et capable d’ailleurs de no pas rire toujours. Archiloque, dans ses iamhes, prend tous les tons. S’il descend parfois jusqu’à l'obscénité la plus impudente, il s’élève aussi jusqu’à l’expression des plus nobles idées morales; il est tour à tour véhément, gracieux, ironique; il blesse à mort ou il égratigne; il est terrible et charmant. La variété de ses procédés est inépuisable : il met en scène ses personnages et les fait parler * ; il en interpelle d’autres; il cache sa pensée sous un apologue ^, ou bien il la crie sur les toits. Mais surtout il est un admirable écrivain. Nous avons déjà parlé du style de ses élégies : celui des iambes est analogue, avec plus de liberté encore et une diversité de ton plus marquée. Il a le mot vif, net, expressif, et la phrase ailée. Point de périphrases, point de noblesse épique, sauf en quelques endroits où la pensée s*élève : presque toujours, c’est le style prompt et mordant de la conversation la plus familière et la plus spirituelle. On dirait de l’Aristophane ^ Il est bien remarquable que, sur tant de fragments simu-

1. Fragm. 25 et 74; dans Aristote, Rhéi., III, 17, p. 1418, b.

2. Le Renard et l'Aigle, fragm. 86 ; le Singe et le Renard, fragm. 89.

3. Aussi les rapsodes de la période attique continuaient-ils encore à réciter les vers d’Arohiloque aux applaudissements du public (Pla- ton, /o/i, p. 531, À).

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