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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/213

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développement métrique ordinairement continu et sa déclamation mélodramatique, ne sont par la forme qu’une sorte de demi-lyrisme. L’inspiration, dans ces deux genres, est d’ailleurs très exactement en harmonie avec la forme : l’élégie est trop oratoire et Tiambe trop souvent agressif pour être d’essence tout à fait lyrique. On comprend que l'un et l’autre aient fini par se détacher de la musique. L’émotion toute pure, l’imagination entièrement libre, la pensée débarrassée du souci de conclure et d’agir, voilà la vraie substance de la poésie musicale, c’est-à-dire du lyrisme proprement dit. L’ode légère (ou, en d’autres termes, la chanson) en est une des formes les plus naturelles, les plus vives et les plus souples. En Grèce, comme partout, elle chante avant tout l'amour, puis le vin. Parfois aussi, dans le trouble des révolutions qui bouleversent la cité, elle exprime les passions politiques dont les âmes sont agitées.

Sous deux au moins de ces formes, chanson d’amour et chanson de table, l’ode légère était certainement aussi ancienne que la race grecque : l'amour et le vin sont en tous pays deux des thèmes favoris de l’inspiration populaire. Mais c’est seulement avec Terpandre qu’elle entra dans la littérature proprement dite, s’il est vrai que ce poète, comme on le rapporte, ait composé des scolies, c’est-à-dire des chansons de table[1]. On sait que Terpandre, devenu Spartiate par adoption, était Lesbien de naissance. C’est l’ile de Lesbos qui a été la vraie patrie de la chanson lyrique. Les premiers maîtres de cette sorte de lyrisme sont des Lesbiens, Âlcée et Sappho, qui arrivent d’emblée à la perfection du genre. Après eux, un Ionien, Anacréon, les imite et rivalise avec eux. Mais le reste de la Grèce reste plus ou moins étranger à ce genre, et l’Io-

  1. Plutarque, De Mus., c. XXVIII. Cf. plus haut, p. 61.