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ORIGINES 55

pemcnt d'une série d^émotions difTérentes : c'étaient pro- prement une invocation, un récit épique, une prière. On voit sans peine ce qu'un pareil cadre pouvait offrir (le ressources à l'art des musiciens. La diversité des modes et des genres, celle des rythmes aussi, y avaient leur place marquée d*avance, et l'invention mélodique pouvait s'y donner carrière. Mais il fallait pour cela que l'emploi do ces modes et de ces genres fût réglé par la théorie et par la pratique, et que les instruments fus- sent capables de s'y prêter. La poésie, après Tépopée, n'avait plus rien d'essentiel à acquérir. Mais il n^en était pas de même de la musique, jusque-là renfermée dans le cadre étroit des chants populaires. Auviii® siècle seu- lement, elle brise ses liens. Alors pour la première fois, soit qu'elle continue à animer la voix d'un chanteur, soit qu'elle s'en tienne au jeu isolé d'un instrument, elle déploie une richesse de moyens inconnue jusque-là; elle s'égale presque à la poésie, et devient une des formes les plus hautes de l'art national.

Il était naturel que cette révolution musicale s'accom- plit d'abord dans le nome, toujours exécuté par un so- liste, c'est-à-dire par un musicien de profession. Les chanteurs collectifs d'un péan ou d'un hyporchème pou- vaient être pris parmi les premiers venus. Le soliste du nome, à la fois chanteur et joueur de cithare, devait être souvent un virtuose K

L'honneur de cette transformation appartient à Lesbos, et, ici encore, la raison des faits est facile à voir. C'est à Lesbos, suivant la légende, que la tète d'Orphée, pous- sée par les flots, avait enfin trouvé le repos. En d'au- tres termes, l'éolienne Lesbos était l'héritière de Tanti- que tradition nationale personnifiée dans Orphée. Mais la situation géographique de cette tle, à deux pas de la

1. Cf. Aristote, ProbL, XIX, 15.

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