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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/38

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26 CHAPITRE II. — ORIGINES DE LA TRAGÉDIE

taiQcment voisins de ceux que le drame allait y produire. On s'intéressait passionnément à la douleur de cette mère divine privée de sa 611e, on s'associait de cœur à toutes les angoisses de son ardente recherche, on partageait ses espérances, on se réjouissait de sa joie. En même temps, derrière ce drame divin, apparaissait l'image de la nature, privée par les rigueurs de l'hiver de tout ce qui faisait sa joie, et demeurant muette dans une douleur sombre, voisine de la mort, jusqu'au jour où la vie lui revient avec le printemps. L'adoration mystérieuse des grandes lois du monde se mêlait donc à une sympathie profonde pour la douleur maternelle; et de tout cela se dégageait une idée religieuse de la destinée humaine, qui saisissait fortement les esprits. De telles émotions, si elles ont précédé, comme cela parait probable, les émo- tions tragiques proprement dites, étaient bien de nature à les préparer.

Mais c'est surtout dans la religion de Dionysos qu'il faut chercher ce qu'il y avait de tragédie latente en Grèce avant la naissance de l'art tragique. Des éléments divers y sont confondus dès Torigine : le mysticisme orgiaque de la Phrygie et de la Thrace, la gaieté rustique et l'ivresse joyeuse du paysan grec, la conception religieuse de cer- taines lois de la nature. Aussi, entre tous les cultes hel- léniques, est-ce celui-là qui parle le plus fortement aux sens et à l'esprit tout à la fois. De même que la légende de Déméter, il laisse apercevoir, comme fond de tableau obscur et grandiose, ces phases successives de dépéris- sement et de renaissance, qui sont la vie même des cho- ses, et dont rhumanilé aime à se faire un rêve plein d'espérance. Conceptions vagues pour la multitude, mais capables cependant de la toucher vivement, parce qu'elles se traduisent d'une manière sensible dans des phéno- mènes naturels. Conceptions profondes et attrayantes pour les intelligences plus pénétrantes, qui aiment à in-

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