Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/12

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raison n’exclut rien, mais elle gouverne tout ; elle ne proscrit pas l’imagination, mais elle la veut élégante, sobre, légère, comme chez Platon ; elle ne rejette pas davantage la passion d’un Démosthène, mais elle l’oblige à respecter la netteté, la brièveté du discours, et elle lui interdit certaines manifestations purement extérieures qui s’adresseraient plutôt à des sens un peu grossiers qu’à des intelligences déliées. Le plus souvent, d’ailleurs, elle se passe à la fois et d’imagination, hardie et de passion véhémente ; car elle prend les choses plus simplement, avec plus de sérénité. Très vive, elle comprend à demi-mot, et n’aime ni les cris, ni les longueurs ; elle est sobre et mesurée. Très fine, elle prend plaisir à deviner ce qu’on ne lui dit pas ; elle aime, l’ironie, arme légère d’un esprit qui se possède, d’une intelligence ailée qui se rit de la brutalité des choses ou de la médiocrité de ses adversaires. L’inconvénient de cette finesse, c’est une tendance à la subtilité ; l’esprit attique est parfois subtil ; s’il oublie de se surveiller, il risque de jouer avec les mots. Il manque parfois aussi d’un certain sérieux, d’une certaine force (gravitas) qui vient du caractère ; il s’engage rarement tout entier et à fond dans une lutte ; il semble qu’il tienne moins au fond des choses qu’à l’exercice charmant de sa propre vigueur ; il est merveilleusement libre, peut-être parce qu’il est un peu sceptique. Dans le style proprement dit, il rencontre naturellement une parfaite justesse de termes et une netteté de phrase exquise. Les mots dont il se sert sont ceux de la langue quotidienne et courante, mais choisis avec goût et mis en leur place avec art. Il excelle à ce jeu si fin des particules, qui rapprochent ou séparent les idées, qui les forment en faisceaux et les dénouent, qui poussent en avant le discours ou en ralentissent la marche. Il aime beaucoup l’antithèse, qui donne à