Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/20

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l’éloquence ne semble digne d’un intérêt durable que mêlée à une action dramatique, à une fable qui la supporte et la fait vivre.

Hérodote, à quatre ou cinq siècles d’intervalle, et au moment même où l’atticisme arrive à son entier épanouissement, est comme l’écho lointain d’Homère ; les discours qui remplissent son histoire rappellent ceux de l’Iliade et de l’Odysée ; l’inspiration religieuse et morale en est plus épurée ; mais l’art oratoire y est assez, semblable ; cette dernière voix de la Grèce ionienne s’accorde à merveille avec la première, celle de l’âge épique.

À côté de l’Ionie, la Grèce dorienne a peu fait pour l’éloquence. De très bonne heure Sparte vise à la brièveté forte plutôt qu’à la facilité abondante et claire. Déjà, au IIIe chant de l’Iliade, Ménélas est représenté comme sobre de paroles[1]. L’esprit spartiate est plutôt gnomique qu’oratoire. L’autorité de celui qui parle y a plus de poids que ses arguments. La constitution tout entière est peu favorable aux discours : le sénat, composé de trente vieillards seulement, est presque annulé par les éphores ; l’assemblée du peuple vote sans débats, par oui ou par non[2]. Dans les autres cités doriennes, il y eut des luttes intestines violentes qui durent susciter des orateurs, mais aucune trace distincte n’en est restée. La Sicile seule, parmi les régions doriennes, a marqué sa place dans l’histoire des origines de l’éloquence en faisant de la pratique oratoire un art. Mais elle n’a pas d’orateur marquant, et c’est à Athènes que cet art, sicilien d’origine, a vraiment porté ses fruits. Arrivons donc à Athènes, la vraie patrie de l’éloquence ; nous reviendrons tout à l’heure sur la rhétorique sicilienne en nous plaçant au point de vue athénien, c’est-à-dire

  1. Παῦρα μὲν, ἀλλὰ μάλα λιγέως, ἐπεὶ οὐ πολύμυθος (Iliade, III, 214).
  2. Of. Curtius, Histoire grecque, t. I, p. 230 (trad. française).