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nir même que les problèmes ainsi posés échappent à toute solution. Ce qu’on ne saurait nier, c’est que, depuis Socrate, ils obsèdent la pensée humaine, et dût-on se résigner à ne pas les résoudre, il faut bien du moins convenir qu’ils existent. Avant Socrate, on se demandait si c’est l’eau qui a commencé d’être, ou si c’est l’air, ou si c’est le feu. Depuis Socrate, on se demande pourquoi il existe quelque chose, et si même il y a un pourquoi. Répondre n’est pas chose facile ; mais on avouera que nulle question ne touche plus profondément au mystère des choses et ne dénote chez l’homme qui s’efforce d’y répondre une plus haute et plus pénétrante curiosité.

§ 2

Arrivons aux règles de la méthode.

L’erreur est un jugement faux. Ce qui produit la fausseté d’un jugement, c’est la disconvenance des éléments que l’esprit rapproche dans une même affirmation, par suite d’une étude, insuffisante de ces éléments. Ce qui dissimule aux hommes inattentifs cette disconvenance, c’est la complexité des choses à examiner. Pour éprouver la vérité d’un jugement, il faut donc l’analyser, en étudier chaque partie tour a tour, confronter les mots avec les choses, le nom générique avec les objets particuliers auquel il est censé correspondre et dont il peut être une représentation incomplète ou inexacte. L’erreur, méthodiquement analysée, aboutit à une contradiction, qui trahit la dis convenance intime des choses ; de même, le signe de la vérité est la liaison exacte et la convenance des idées et des mots. L’erreur est tranchante et légère ; la vérité doit être patiente et prudente ; elle doit marcher pas à pas, et, pour mieux garantir sa marche, obtenir à chaque pas l’adhésion