Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/24

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la morale souffrait, on imagine à quel point cette atmosphère, pleine de vie et de passion, était favorable à la culture de la parole. Les affaires qui venaient devant l’assemblée du peuple, au Ve siècle, étaient souvent d’ailleurs de grandes affaires. Au début, c’est la question vitale de la lutte contre les Perses. Plus tard, c’est la question de l’empire athénien, avec les mille problèmes de détail que chaque jour il faut résoudre : problèmes politiques, financiers, militaires. Ajoutons à cela les luttes intérieures entre l’aristocratie et la démocratie, qui ne cessent jamais et se mêlent à tout. La grandeur de ces questions devait donner à l’éloquence politique le sérieux et l’intérêt du fond, comme la vivacité de la lutte lui donnait la passion et le mouvement.

Ce n’est-là qu’une partie de la vie attique. À côté de l’assemblée du peuple, il y a les tribunaux : d’abord les anciennes juridictions (Aréopage, Éphètes, etc.}, qui continuent de juger certaines causes, mais en laissant, peu de place, semble-t-il, à l’éloquence proprement dite ; ensuite et surtout, à partir de Périclès, le grand tribunal des Héliastes, qui est un des ressorts principaux de la cité et l’un de ses traits caractéristiques[1]. Chaque année, six mile citoyens sont désignés par le sort pour être juges. On les répartit en dix tribunaux ou dicostères, composés chacun de cinq cents membres[2]. Ces dicastères, à leur tour, suivant l’importance des causes, ou se subdivisent en sections, ou au contraire se groupent plusieurs ensemble ; il y a des causes qui sont plaidées devant cinquante juges, d’autres devant


    réputation rejaillissait sur les orateurs eux-mêmes, et le nom de ῤήτωρ finit pas devenir suspect (cf. Démosthène, Contre Midias, 189-192).

  1. L’établissement du tribunal des Héliastes date de Solon (cf. Aristote, Πολιτείσ Ἀθηναίων, ch. VII, p. 9, I. 4, éd. Blass), mais c’est à partir de Périclès que sa compétence devient presque universelle et son influence prépondérante.
  2. Les mille Héliastes restants demeurent disponibles.