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dans l’éloquence ; la pensée est remise eu premier rang ; le style n’en est plus que le vêtement souple et harmonieux.

La rhétorique naît en Sicile, un peu avant le grand éclat de Périclès. Elle est d’abord fort modeste, strictement bornée au genre judiciaire, avec un caractère tout pratique et technique. Mais bientôt elle est adoptée par la sophistique, distincte d’elle à l’origine, et celle-ci, en l’adoptant, la transforme et l’agrandit. C’est à Athènes surtout que cette transformation s’opère ; rhétorique et sophistique y sont alors en grande faveur et toutes-puissantes. Là encore, cependant, les maîtres de l’art nouveau sont d’abord des étrangers ; Antiphon, le premier, donne à le rhétorique droit de cité complet dans Athènes, en la cultivant pour son propre compte et en composant des discours qui sont les plus anciens monuments de l’éloquence athénienne écrite.

§1

Un témoignage précis d’Aristote, rapporté par Cicéron, nous apprend à quelle occasion naquit la rhétorique en Sicile : c’est après l’expulsion des tyrans (vers 465), par suite des nombreux procès civils auxquels donnèrent lieu les revendications des anciens propriétaires plus ou moins dépouillés par les tyrans ; alors, dit Cicéron, la finesse sicilienne dégagea des controverses une théorie de l’art, et les règles en furent écrites par Corax et par Tisias[1]. Corax est le premier en date ; c’est le véritable fondateur de la rhétorique ; son traité (Τέχνη) est mentionné par Aristote d’une manière

  1. Cicéron, Brutus, 46 : Itaque ait Aristoteles, cum sublatis in Sicilia tyrannis res privatæ longo intervallo judiciis repeterentur, tnm primum, quod esset acuta illa gens, e controversia natam (mss, et controversa natura ; corr. de Blass), artem, et præcepta Siculos Coracem et Tisiam conscripsisse. — Cf. de Orat., I, 20.