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Reiske. La vérité est que l’art des Tétralogies est très remarquable et au fond très sérieux. Ce qui le fait paraître frivole, c’est l’absence d’une matière concrète et réelle ; la théorie du syllogisme aussi, étudiée abstraitement, semble parfois un jeu d’esprit. L’art oratoire d’Antiphon n’est pas tout entier dans les Tétralogies, mais c’en est un élément considérable qui s’y montre.

Ce qu’on n’y trouve pas, c’est la variété des parties et l’ampleur. Les exordes et les péroraisons y sont rares et courts[1], parce qu’Antiphon s’en était occupé dans un ouvrage spécial. Les narrations y manquent, non parce que l’art était alors dans l’enfance, comme le dit l’argument grec, mais parce que les sujets de ses plaidoyers sont imaginaires et qu’un récit, dans ces conditions, étant arbitraire, serait inutile. Pour la même raison, la discussion des preuves est plutôt esquissée que développée. C’est la réalité concrète, en effet, qui fournit les développements à l’orateur en lui fournissant des faits réels et des circonstances. Ici les cadres sont vides ; ils attendent les faits réels. — Mais ce qu’on trouve dans les Tétralogies et ce qu’il est très curieux d’y étudier, c’est d’abord des modèles de l’art d’inventer des arguments oratoires, et ensuite, sauf quelques réserves, des modèles de style.

Parmi les arguments oratoires, les uns portent surtout sur les idées elle-mêmes et ont un caractères plus dialectique ; les autres s’adressent de préférence aux sentiments, aux passions, aux préventions du tribunal et forment ce que Platon appelait « l’art de conduire les âmes » (ψυχαγωγία). Un mot d’abord sur les premiers.

Dans chaque tétralogie, on l’a vu, la même question est traitée quatre fois en des sens divers. Quelquefois

  1. Sauf dans le premier discours de la IIIe tétralogie, où l’exorde est disproportionné.