Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/82

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phrase plus de nombre, à l’idée plus de force et de poids.

Si de la structure des phrases prises à part nous passons à l’enchaînement de l’ensemble et à l’allure de tout le discours, nous y trouvons le même caractère de rapidité forte et pathétique. Point de digressions à la manière d’Hérodote, point de fleurs inutiles à la façon de Gorgias. Tout court au but, c’est-à-dire à la démonstration. L’excès, ici, serait plutôt dans le trop de rapidité ; il en résulte parfois quelque obscurité, parce que la suite du raisonnement est si serrée qu’on n’en doit absolument rien perdre. Un mot qui échappe fait manquer la liaison de tout l’ensemble. Cet excès de brièveté, qui serait un défaut grave dans un discours véritablement prononcé, s’explique d’ailleurs sans peine dans les Tétralogies : ce sont des exercices d’école, et comme des squelettes de discours. La réalité plus tard ajoutera les muscles ; mais il faut d’abord que le squelette soit solide.

En somme, l’influence de Protagoras, de Prodicos, de Gorgias même, est sensible dans le style des Tétralogies ; elles n’ont guère put être écrites avant 425. Mais l’originalité d’Antiphon n’y est pas moins sensible. Dans un cadre volontairement étroit et abstrait, il enferme avec une rare puissance, les qualités essentielles de l’orateur, l’habile invention des arguments, la rigueur dialectique, la finesse pénétrante et la précision du langage, la rapidité de la composition et déjà même cette sorte de pathétique qui naît d’une énergie contenue et du mouvement inflexible du discours.

Nous avons insisté assez longuement sur les Tétralogies, parce qu’on y voit, ce semble, avec une netteté particulière, cette préparation et ces dessous qui, dans l’éloquence aussi bien que dans tous les arts, sont la condition et le soutien de tout le reste. Les qualités qui