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CHAP. VIII. — LA FIN DE L’HELLÉNISME


L’audace de création qu’elle dénote est étonnante. Nous avons mentionné plus haut l’épopée dionysiaque qu’un autre Grec d’Égypte, Sotérichos d’Oasis, avait composée, un siècle auparavant, sous le titre de Bassariques. Il n’est guère douteux que Nonnos n’en ait tiré l’idée de son poème. Mais, élargissant démesurément la conception de son prédécesseur, il entreprit de lui donner des proportions grandioses. Ses Dionysiaques (Διονυσιαϰά (Dionusiaka)) forment quarante-huit livres, qui comptent environ deux fois autant de vers que l’Iliade[1]. Toute la légende de Dionysos y est mise en récits, depuis les circonstances qui ont précédé la naissance du futur dieu jusqu’à son admission dans l’Olympe. Dans cet immense développement, le motif central, qui occupe la plus grande partie du poème, c’est l’expédition contre les Indiens (du XIIIe livre au xle). Là est aussi l’idée essentielle. Dionysos, fils de Zeus et d’une mortelle, doit gagner par ses exploits le droit de siéger parmi les immortels (Discours d’Iris, XIII, 19-34). Cette guerre est pour lui l’épreuve terrestre qui prépare son entrée dans la vie bienheureuse. Elle est en outre la lutte de la civilisation contre la barbarie. Dionysos mène avec lui les peuples qu’il a déjà adoucis, ceux de la Grèce, de la Phrygie, de la Lydie, pénétrés de son influence bienfaisante, et, avec eux, le cortège de ses compagnons, Satyres, Ægipans, génies de la joie, de la nature aimable et riante ; il les mène contre une race dure et impie[2]. Conception fondamentale, qui est d’ailleurs débordée de tout côté par les digressions, et cela dès le début. Nonnos ne néglige aucune occasion de rattacher à son sujet

  1. Pour la bibliographie de Nonnos, voir la Préf. de l’édition de Kœchly. Celle-ci, qui fait partie de la Bibl. Teubner, est aujourd’hui encore la meilleure ; Leipzig, 1857.
  2. XIII, 1-7 et 19-20 : Ἀλϰήεις Διόνυσε, τεὸς γενέτής σε ϰελεύει Εὐσεϐίης ἀδίδαϰτον ἀιστῶσαι γένος Ἰνδῶν. (Alkêeis Dionuse, teos genetês se keleuei Eusebiês adidakton aistôsai genos Indôn.)