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CHAPITRE III. — RHÉTORIQUE, HISTOIRE, ETC.

et cet aiguillon que Périclès, selon le mot d’Eupolis, laissait dans l’âme de ses auditeurs. L’éloquence de Démétrios était exactement celle qu’on pouvait attendre d’un contemporain de Théophraste et de Ménandre.

À côté de Démétrios, il faut citer les noms de deux orateurs qui furent surtout des logographes : Démocharès et Charisios. Démocharès, neveu de Démosthène, était un imitateur fervent du grand orateur[1]. Charisios prit pour modèle Lysias, dont il exagérait la simplicité jusqu’à la sécheresse[2].

Après Charisios et Démocharès, après Démétrios, il n’y a plus en Grèce ni orateurs proprement dits ni logographes ; il n’y a que des maîtres de rhétorique et des déclamateurs. L’éloquence politique n’avait plus d’emploi. Même l’art des logographes ne trouvait plus de grandes causes à plaider. Athènes n’était plus qu’une ville de province, une cité universitaire et philosophique sans commerce. Les nouvelles capitales commerciales du monde grec étaient soumises à des rois qui n’avaient aucun goût pour la parole libre. Il ne restait de place que pour l’éloquence d’école ou pour les considérations théoriques sur l’éloquence. La théorie de l’éloquence fut en partie l’affaire des philosophes : le Lycée, l’Académie, le Portique s’en occupaient à l’envi, comme d’une province de la dialectique. On y disputait sur la définition de la rhétorique, sur ses parties constitutives, sur les genres. Tout cela était peu fécond. Les rhéteurs proprement dits, sans s’interdire cette sorte de recherches, s’appliquèrent surtout à donner des modèles de l’art oratoire. À défaut de causes réelles, on en plaida de fictives ; on fit parler des ambassadeurs, des hommes

  1. Cicéron, Brutus, 83.
  2. Id., ibid.