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TIMÉE

cusé d’ignorance de superstition, de partialité, de mensonge. Le jugement de Polybe est considérable par lui-même et beaucoup de ses arguments sont persuasifs. Mais il exagère ; il fait de la polémique plutôt encore que de la critique : il accable, dans la personne de Timée, le représentant le plus illustre d’une école historique qu’il juge avec raison détestable, et il ne lui rend justice qu’à contrecœur. On voit clairement, dans un de ces passages[1], qu’il avait été, comme tout le monde, séduit d’abord par certains mérites de Timée. C’est seulement à la réflexion qu’il se ressaisit, et non sans mauvaise humeur. Essayons de voir les choses plus froidement, d’une manière plus objective et plus impartiale.

Le grand mérite de Timée, sur lequel il faut insister d’abord, c’est son immense labeur d’érudit[2]. Pendant les cinquante années de son séjour à Athènes et jusqu’à la fin de sa vie, il avait lu tous les écrits de ses prédécesseurs[3]. Il ne s’était pas contenté des ouvrages historiques ; il avait eu recours aux documents originaux, non sans tirer quelque vanité de ses recherches en ce genre[4]. Polybe semble le soupçonner sur ces matières d’un peu de charlatanisme : il lui reproche de ne pas dire où il avait trouvé certaine inscription qu’il invoquait contre une opinion d’Aristote. Mais Timée, qui n’était pas grand voyageur, n’avait probablement pas lu l’inscription en original : il suffisait que, l’ayant trouvée dans quelque recueil, il eut eu l’idée de l’utiliser, pour que son travail fût digne de plus d’éloges que ne lui en donne Polybe.

Dans ses immenses lectures, il semble que Timée ait porté d’utiles qualités critiques. Il était fort indé-

  1. XII, 26 d.
  2. Polybe, XII, 28 a, 2-3.
  3. Polybe, XII, 25 d, 1. Cf. Cicéron, De orat., II, 14.
  4. Polyb., XII, 10, 4.