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ÉRATOSTHÈNE

Ératosthène naquit a Cyrène dans le premier quart du iiie siècle[1]. Il fut à Alexandrie l’élève de Callimaque, puis se rendit à Athènes pour étudier la philosophie. Il y entendit peut-être Zénon de Cittion ; en tout cas, il connut le stoïcien Ariston et l’académicien Arcésilas, qu’il vantait fort tous deux[2]. Cette impartialité montre assez qu’Ératosthène n’était l’homme d’aucune secte : il combattit même Ariston dans un de ses écrits sans cesser d’avoir du goût pour le stoïcisme. Après un long séjour à Athènes, il fut, vers l’âge de quarante ans, rappelé par Ptolémée Évergète à Alexandrie, pour y diriger la célèbre Bibliothèque après la mort de Callimaque. Il passa dans ces fonctions de bibliothécaire toute la fin de sa vie, qui s’étendit jusqu’aux premières années du second siècle[3].

Ératosthène fut un homme universel, à la fois géomètre, géographe, chronographe, philosophe, philologue et même poète. Ses ennemis raillaient cette universalité, ordinairement inséparable d’une certaine médiocrité : ils l’appelaient pentathle, parce que les athlètes qui s’exerçaient à ce genre de combat n’étaient les premiers dans aucune spécialité ; ou encore ils le désignaient par la seconde lettre de l’alphabet (Β), qui exprime en grec le chiffre 2. Ces railleries, d’ailleurs inoffensives, avaient peut-être quelque justesse quand elles s’appliquaient à ses productions poétiques ou philosophiques. Ses petites épopées intitulées Hermès et Anterinnys (récit du meurtre d’Hésiode et de la punition qui frappa ses meurtriers), son élégie d’Érigone (relative sans doute à la culture de

  1. Suivant Strabon (I, p. 15), il connut Zénon de Cittion. Suivant Suidas, il naquit dans la 126e Olympiade (276-273). Ces deux affirmations ne sont pas exactement conciliables, car Zénon mourut vers 260 au plus tard.
  2. Strabon, passage cité.
  3. Il avait environ quatre-vingts ans, et se laissa, dit-on, mourir de faim volontairement (Suidas ; Pseudo-Lucien, Longév., 27).