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CHAPITRE III. — RHÉTORIQUE, HISTOIRE, ETC.

Le dernier des grands critiques de ce temps est Cratès, de Mallos (en Cilicie), contemporain d’Aristarque et parfois son adversaire[1]. Cratès de Mallos fut attiré à Pergame par Attale II, qui l’envoya à Rome comme ambassadeur[2] (en 168). C’était un stoïcien, que sa philosophie même conduisit aux études grammaticales. Après Chrysippe, il défendit la théorie de l’anomalie, c’est-à-dire de l’irrégularité grammaticale, combattue par Aristarque au nom de l’analogie. Son traité Sur le dialecte attique, en cinq livres au moins, ne nous est connu que de nom[3]. Il avait publié des commentaires sur l’Iliade et l’Odyssée, sur la Théogonie d’Hésiode, sur d’autres poètes encore. Son point de vue paraît avoir été fort différent de celui d’Aristarque et de son école. Il semble avoir été géographe et savant autant que philologue, et, dans les matières de philologie proprement dite, avoir porté le même goût des faits en défendant l’anomalie, c’est-à-dire la liberté de la poésie et la diversité vivante des dialectes. De plus, en sa qualité de stoïcien, il restait fidèle à l’habitude de chercher dans les œuvres littéraires des allégories. Peut-être fut-il un des auteurs des Πίναϰες (tableaux ou catalogues) de la bibliothèque de Pergame[4], et contribua-t-il à fixer, pour les orateurs attiques, le canon classique, qui semble venir de Pergame plutôt que d’Alexandrie[5]. Cratès de Mallos, en somme, est mal connu. Ajoutons qu’il passe pour avoir été le maître de Panætios[6] : ceci, comme le fait de son ambassade à Rome, nous avertit que nous sommes arri-

  1. Fragments recueillis par C. Wachsmuth, De Cratete Mallota, Leipzig, 1860. Notice de Suidas.
  2. Suétone, De gramm. et rhet., p. 100 (Reifferscheid).
  3. Athénée, p. 497, E.
  4. Mentionnés par Athénée, VIII, p. 336, E.
  5. Cf. Brzoska, De Canone decem oratorum atticorum, Breslau, 1883.
  6. Strabon, XIV, p. 676.