Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
ÉCRIVAINS JUDÉO-GRECS

ment il démontrait aux païens (car c’est à eux qu’il s’adressait) que la sagesse de leurs philosophes dérivait des sources juives. Philosophe et lettré, Aristobule n’écrivait pas le grec des Septante ; mais cela ne veut pas dire qu’il fût un grand écrivain.


C’est encore à des Juifs d’Alexandrie qu’il faut rapporter divers écrits apocryphes inspirés, comme l’ouvrage d’Aristobule, par le désir de rapprocher la pensée juive de la pensée grecque : on fabriqua des vers d’Orphée et de Phocylide, des ouvrages d’Hécatée, des oracles sibyllins. Le Pseudo-Orphée, le Pseudo-Phocylide n’ont aucune valeur littéraire, mais témoignent d’un état d’esprit curieux. Nous avons mentionné plus haut les ouvrages qu’on attribuait à Hécatée d’Abdère Sur les Juifs et Sur Abraham : on n’en connait guère que les titres.

Quant aux oracles sibyllins, on sait que, dans leur état actuel, ils forment un amalgame confus de vers prophétiques d’origines variées[1] ; parmi les diverses Sibylles auxquelles on les rapportait, il en est une qu’on appelait Chaldéenne ou Juive. C’est elle qu’on regardait comme l’auteur des oracles qui forment le IIIe livre de nos éditions. Beaucoup de ces oracles sont visiblement d’époque récente et même chrétienne, mais une partie au moins d’entre eux semblent appartenir à la période alexandrine. Le seul intérêt littéraire de ces centons prophétiques est de nous montrer que, dans la colonie juive d’Égypte, la connaissance familière des vieux poètes grecs était assez répandue pour permettre la fabrication et la diffusion de semblables pastiches. Ils sont d’ailleurs si peu poétiques qu’on nous excusera

  1. Édités par Alexandre, Paris, 1869 (2e édition), et récemment par Rzach, Leipzig (Freytag). 1891.