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SOTADÈS, RHINTON

prédécesseurs, le rythme ionique, étroitement lié à d’anciennes danses ioniennes d’un caractère voluptueux. Il garda aussi leur dialecte ionien et leur goût de l’obscénité[1]. Mais il se sépara d’eux sur deux points. D’abord il écrivit ses vers pour la simple lecture, et non plus pour le chant[2] : la période alexandrine est un âge de déclin pour le lyrisme proprement dit. Ensuite, il y introduisit des attaques personnelles et méchantes qui paraissent avoir fait sa principale originalité : les rois de Macédoine et d’Égypte furent successivement l’objet de ses sarcasmes, aussi violents qu’intraduisibles[3]. Ce genre d’esprit était dangereux : Philadelphe le fit saisir par un de ses amiraux, au moment où il fuyait Alexandrie, et jeter à la mer cousu dans un sac. Sotadès eut la gloire, si c’en est une, de donner son nom à la forme de vers ionique dont il s’était servi habituellement. Nous ne possédons plus de lui que quelques titres d’ouvrages et quelques rares fragments[4] : les titres, Descente aux enfers, Priape, Bélestiché (nom d’une maitresse de Philadelphe), laissent deviner l’inspiration générale du poète, parodique, satirique et ordurière ; les fragments donnent l’idée d’un écrivain qui ne manquait cependant pas de talent.


La parodie littéraire avait aussi des origines anciennes : la Batrachomyomachie en est un exemple illustre, et la comédie d’Aristophane en est remplie. Mais, au début de la période alexandrine, elle se constitue en un genre nouveau, sous une forme assez différente de celles qui

  1. Le nom même qu’on donne à ces poètes, κιναιδολόγοι, exprime assez qu’ils se font les interprètes de la plus basse débauche.
  2. Strabon, ibid.
  3. Cf. Athénée, XIV, p. 621, A.
  4. Titres donnés par Suidas ; fragments (dans Athénée et dans Héphestion) recueillis par G. Hermann, Elem. rei metricae, p. 445-448.